jeudi 5 février 2009

1. "C'est une histoire de... gosse"

Eléonore : Grand-père, tu me racontes ta vie ?
Grand-père : Non, mais ma vie, c’est privé !


J’ai réussi pourtant ! Mon grand-père s’appelle « XAVIER, AUGUSTE (nom de son parrain) VINCENT (Saint Vincent de Paul, le saint de prédiléction de Mamy d’Hautegente) MARIE PIERRE HAMELIN»


Je suis né le 4 février 1922, au château de Peyraux (Condat le Lardin), fils de Gérard Hamelin et de Claire Mercier. Un fils aîné, Marcel, m’attendait. Il est né en 1920. Et puis J’ai été suivi de Philippe en 1926 et de Chantal, en 1928.

Mes parents louaient le Château aux Royères.
Ils n’habitaient pas à Hautegente car Gérard, mon père, était en pétard avec Marc, et Mamie n’était pas vraiment amie avec sa belle mère.
J’étais un très beau poupon blondinet !
J’étais sage ! (rires)

Mamitou : Plus sage que tes frères…

Grand-père : Peut-être, mais je n’avais pas le même succès auprès des femmes !

Mamitou : Oh, ca c’est ce que tu veux nous faire croire !

Grand-père : Je n’allais pas à l’école, j’ai appris à lire et écrire avec ma mère. C’est à 9 ans que j’ai été au collège, à Saint Joseph de Périgueux. Mon père était mort deux ans avant, d’une leucémie. J’avais 7 ans.
Il était minotier .On invitaient nos copains à la minoterie, et on les mettait sous le trémis de farine… Un coup sur la pelle, et ils étaient immédiatement recouverts de blanc !

Tiens, tu es comme moi, tu es ambidextre. Moi je faisais des ricochets du haut de la terrasse de Ceneviere. Je tirais de la main gauche tous mes cailloux dans le Lot. En revanche, je jouais de la main droite au ping-pong… C’était un juif-alsacien qui m’avait appris, un réfugié de la Guerre de Strasbourg.

Après la mort de Gérard, Mamy s’est installée à Périgueux.
C’est là qu’on a eu Mademoiselle de Lestrade comme gouvernante, pour toute la bande de garçons terribles que nous étions. Qu’est ce qu’on a fait comme conneries !
Et, derrière, on en faisait faire à Chantal ! (rires)
On montait sur les toits, c’est les voisins qui avertissaient Maman ! Je sautais de la fenêtre de la maison sur un toit d’névrite au dessus d’un lavoir…
Evidemment, il s’est effondré, et je suis tombé dans l’eau !

On habitait rue Saint-Simon. Et Mademoiselle de Lestrade était très bien faite ! A tour de rôle on la regardait à travers le trou de la serrure !
Elle devait avoir 45 ans.

Mamitou : Et vous la regardiez toute nue !

Grand-père : Oh non, tu penses, elle ne se mettait jamais nue, mais elle se déshabillait !

Mamy, elle, s’occupait d’assurances. Elle écrivait aussi dans des revues, comme « La semaine de Suzette », des petites histoires.

Mamitou : Je crois qu’elle n’était pas du tout habituée à être fauchée… Et puis elle n’avait certainement son bac, a l’époque !

Grand-père : Le bac n’existait même pas ! Et de toute façon, les filles ne le passaient pas !
Elle a reprit la minoterie après.

Moi, j’étais en 6ème avec l’Abbé Calasse ( ?), qui avait la sale habitude de nous attraper par les cheveux de devant, les pates… Du coup on l’appelait Cheucheu !
On habitait à 300 mètres de l’école, c’étaient des jésuites. Marcel était dans la même classe que moi, nous n’avions que 18 mois d’écart. Il y avait aussi tous les cousins Du Sorbier, Michel et Henri, les enfants de George.

Léo : Et alors tu étais bon élève ?

Mamitou : Oh oui ! Mais il ne vous le dira pas !

Grand-père : Jusqu’en seconde… Après j’ai un peu déraillé.
A cause du cousin de Mitou !
Michel m’a foutu une balle dans la peau quand j’avais 14 ans !
On était chez André de ( ?), et il avait une carabine… alors on a installé des cibles pour essaye. On a désigné quelqu’un pour changer des cibles, c’est tombé sur ma pomme !
Le coup de feu est parti sans qu’il le fasse exprès, la carabine s’est accrochée à sa veste… et PAN ! J’ai été touché à 3 mm du cœur…
Je m’en souviens, j’ai eu très chaud d’un coup… Et quand j’leur ai dit « Ca y est je suis touché », ils se sont tous mis à rigoler… Jusqu’à ce qu’ils voient tout le sang sur ma chemise.
On m’a emmené à l’hopital de Francheville direct.

Depuis la 4ème j’étais pensionnaire à Saint-Joseph. Je voulais faire Saint-Cyr. La promo à laquelle j’aurais pu prétendre était la promotion Deloisy, le nom d’un officier mort à Mulhouse.

Seulement à partir de ce moment là j’étais quand même moins bon élève… et je faisais souvent le mur chez des amis, les Braquilange, deux frères, Guy de l’âge de Marcel, et Hubert de mon âge. Il avait le bras gauche atrophié.
C’est chez eux que j’ai entendu Pétain parler après la défaite française…

J’ai passé mon bac à 17ans, à la fin de la première. Il n’y avait pas de terminale à l’époque tu sais.
Je ne l’ai pas vraiment eu à saint-Joseph, parce que…enfin… j’ai été foutu à la porte !
Un jour le supérieur du collège rentre dans la classe et lance « HAMELIN » !
On avait cassé la gueule à un surveillant qui nous avait dit « Au lieu de chahuter, vous feriez mieux de vous engager ».
Oh ! Mais nous on ne rêvait que de ça, s’engager !
La nuit suivant cette phrase blessante, on a été le secouer un peu dans sa chambre…
Et le lendemain, le supérieur… : « HAMELIN ! Tout comme votre père (c’est comme ca que j’ai su que Papa s’était fait dégager aussi) et tout comme votre frère (Marcel, ah oui, c’était un chahuteur !), vous n’êtes pas digne de rester dans cet établissement ! »

Evidemment, je n’osais rien dire à Maman…
Elle avait la main leste ! Un jour, pour nous séparer avec mes frères, elle a flanqué un revers à Marcel, et avec sa chevalière elle lui a fait un bel œil au beurre noir… !!

J’ai donc été me réfugier chez les Braquilange, et j’ai passé mon bac en candidat libre. Le pire, c'est que je l'ai eu... et avec mention…passable !